Je m’agrippe à lui, j’ai peur de le laisser partir, qu’il s’envole pour ne jamais revenir. Il me serre fort contre lui. Il me dit que lui aussi il a eu peur, que lui aussi a cru que c’était la fin. Je ne dis rien, j’essaie de me calmer, j’essaie de reprendre le contrôle de mes émotions, rien que d’entendre sa voix, de le sentir tout contre moi a un effet apaisant. Je le regarde quand il parle de Zatanna, je souris.

- Je sais que maman est venue… Elle m’a parlé, elle m’a aidé à revenir…

Quand il me lâche légèrement, je suis encore trop faible et trop lente pour le retenir. Il me donne un verre d’eau que je bois jusqu’au fond, il se recharge, je fais de même. Je lui tends le second verre, vide. Il va chercher un linge humide et il me nettoie doucement le visage, il a un petit air de chien battu, le même air qu’il a quand il s’en veut. Il accepte qu’on reste au calme, que nous restons tranquilles pour récupérer, car dans notre état on ferait plus de mauvaises choses que de bonnes. Il m’indique ensuite qu’il va dans la salle de bains, j’ai tout laissé en matériel de soin, il devrait pouvoir se débrouiller. Il ressort quelques instants plus tard et passe rapidement en me disant qu’il a une surprise. Mon visage s’éclaire. Néanmoins, je le retiens.

- Bébé… Arrête de t’en vouloir… Pour ce qu’il s’est passé… Tout a fini par rentrer dans l’ordre… Mais pour éviter ce genre de choses… A l’avenir, il serait peut-être préférable que…

Je prends une pause.

- Que tu arrêtes de tout garder pour toi… Pensant me protéger… Preuve en est… Ça a fait le contraire et ça aurait pu te tuer… Nous tuer… Je t’aime… Et comme je t’ai dit… Je me fiche de ton passé, de ce que tu as pu faire, je t’aime comme tu es… C’est tout…

Je finis par le laisser partir avec un petit sourire tendre. Je n’ai pas vraiment eu le temps de m’ennuyer car il est très vite revenu, s’efforçant de cacher quelque chose d’assez encombrant dans son dos. Je n’ai pas la force de vouloir regarder alors je me laisse faire.

Je ferme les yeux en arquant un sourcil, j’entends vaguement un cliquetis. Je souris, je le sens s’asseoir près de moi. Je me demande ce qu’il prépare…

Ses doigts glissent sur les cordes de la guitare, comme s’il n’avait jamais arrêté de jouer… Comme s’il n’y avait jamais eu toutes ces années d’inactions, trop traumatisé par les événements de Newcastle. Je rouvre l’œil et je le regarde jouer jusqu’au bout, mon œil brille et j’applaudis à la fin.

- Quel dommage que tu aies cessé de jouer mon amour… Tu voudras bien jouer plus souvent pour moi ?

J’ai désormais assez de force pour caresser son visage.

- Je veux voir cette expression sur ton visage quand tu joues, plus souvent… je ne l’avais pas vu souvent… Et je dois dire qu’elle te va bien…

Je regarde mes mains, elles sont bandées mais elles ne tremblent plus.

A mon tour de lui montrer ce que je sais faire. Un violon et son archer apparaissent de nulle part sur le lit. Je me redresse doucement et je me saisis de l’instrument. Je commence à jouer.

Quand je le vois changer d’instrument, je me dis que cela n’allait pas être la même histoire. Il me prévient que je vais voir son autre face. Je pose le violon précieusement sur le lit et j’attends. Effectivement, ça tranche radicalement avec le morceau d’avant. J’ouvre de grands yeux sous la surprise. Eh ben mon vieux, je n’imagine pas le fanservice des adolescentes de 16 ans qui le voyaient en concert. Je souris en coin. Du rock punk qui déchire, je ne m’imaginais pas vraiment ça venant de lui. Du moins jusqu’à ce que je le voie les cheveux hirsutes et des tatouages provisoires un peu plus tôt dans la journée.

La chanson change, sa voix change aussi, il devient plus doux, plus tendre, sa voix est plus suave, je rougis, il me regarde, je le regarde, je rougis un peu plus avec un petit sourire mignon.

J’éclate de rire quand je vois les psychés matérialisées avec des instruments qui jouent avec lui. Je le regarde en faisant non de la tête avec un large sourire. Un petit nuage d’inquiétude passe devant mes yeux, il ne devrait pas user de mana dans son état, ce n’est pas raisonnable.

Il s’arrête de jouer, il joue un air faussement paniqué en parlant de violoniste. Je pouffe, je me lève, d’abord pas stable puis je me cale contre le mur manquant d’écraser involontairement un diablotin au passage. Le morceau est lent, je n’ai aucun mal à suivre. Quand il me propose de faire mon solo je lui fais un clin d’œil.

- Alors comme ça on s’inquiète que je ne suive pas le rythme ?

Les instruments des diablotins changent et je démarre le morceau du Trille du Diable. (A partir de la 28e seconde jusqu’à la 3e mn https://www.youtube.com/watch?v=USACuJCrZPY ) et j’envoie ce que je qualifierai du lourd, du très très lourd. Mon corps recommence à me faire mal, ce sera la dernière je pense. Quand le morceau je termine, je vois les diablotins s’étaler, complètement essoufflés, je pouffe.

- Désolée bébé, là c’est eux qui ne tiennent pas le rythme !

Je le vois commencer à sentir les effets de la fatigue. Petit chéri va, il a lui aussi besoin de repos. Il fait disparaître les bestioles. Il me dit qu’il est temps de dormir, je suis totalement d’accord. Nous nous allongeons, une nuit sans rêve, nous dormons d’un sommeil lourd. Je le sens se lever, j’essaie de le rattraper mais mon coup de bras retombe sur le matelas. Dommage. Il ne devrait pas se lever, il ne devrait pas utiliser la magie. J’entends vaguement sa voix, comme un écho lointain dire qu’il a besoin de repos, une vague odeur de clope vient se mettre dans mes narines, il est réveillé et il fume. Puis le froid, il s’est levé, pour aller où ?

Je ne sais pas combien de temps s’écoule mais j’entends un bruit sourd provenant de la salle de bains. J’ouvre un œil. J’entends un bruit de verre cassé. Je me redresse en grimaçant. Que c’est gênant d’avoir qu’un œil valide.

Soudain il pousse un hurlement, je me lève en manquant de tomber, à la vitesse de la lumière. J’entre comme une bourrasque dans la pièce et je vois au sol, dans le sang et très agité.

- CONSTANTINE !

J’attrape toutes les serviettes que je peux trouver et je bloque les hémorragies comme je peux. J’ai du mal à le tenir, il est comme dans un délire. Il a perdu beaucoup trop de sang.

- JIVA ! QUE LE SANG CESSE !

Il faut quelques secondes pour que ses blessures s’arrêtent de saigner, mais il est toujours aussi agité, il crie, il parle d’Apocalypse, de mort, il pleure à moitié, il crie mon nom sur un ton déchirant.

- Bébé, calmes toi, je suis là, près de toi…

Je lui prends la main et je lance un sort d’apaisement. Je veux que les ténèbres de son esprit dû à l’épuisement s’effacent. Toutes ses blessures s’arrêtent de saigner complètement, certaine commence à laisser poindre des débuts de cicatrisations. Je l’installe contre moi et je caresse ses cheveux, et je chante à voix basse, espérant le ramener à la raison.

- I walked across an empty land, I knew the pathway like the back of my hand. I felt the earth beneath my feet, Sat by the river and it made me complete… Oh simple thing, where have you gone? I'm getting old and I need something to rely on… So tell me when you're gonna let me in, I'm getting tired and I need somewhere to begin… I came across a fallen tree, I felt the branches of it looking at me. Is this the place we used to love? Is this the place that I've been dreaming of? Oh simple thing, where have you gone? I'm getting old and I need something to rely on… So tell me when you're gonna let me in, I'm getting tired and I need somewhere to begin… And if you have a minute, why don't we go, Talk about it somewhere only we know? This could be the end of everything, So why don't we go somewhere only we know?... Somewhere only we know…

Je n’ai pas lâché sa main et je continue de caresser ses cheveux pendant que je chante. A la fin de la chanson j’embrasse ses doigts.

Quand il hurle, je sursaute. Je le serre plus fort contre moi. Je le regarde avec de grands yeux. Ça va chauffer, quoi ? Comment ça ? Je caresse ses cheveux.

- Du calme bébé… Ça va aller… Reprends ton souffle… C’est ça… Voilà…

Mais que s’est-il passé dans son délire pour qu’il réagisse comme ça. Qu’à t-il vu ? Aux dernières nouvelles, Constantine n’a pas le don de prémonition alors qui a joué avec son esprit ? Talia ? Non, j’aurai senti sa présence plus tôt ça ne colle pas, alors qui lui a montré… l’avenir ?

Il frissonne, j’ouvre mes ailes en grand pour les refermer sur lui. Le tenir au chaud rapidement. Qu’est-ce qui l’a fait flipper comme ça ? Il a les yeux immenses, et il tremble ! Bon sang, si je chope l’enflure qui… Il me coupe, il me dit qu’il m’aime, qu’il m’a vu mourir. Il en pleurerait presque tellement il est ébranlé. Il cherche à se relever, je l’aide. Il me demande si je l’ai soigné. Je fais un oui de la tête avec un léger sourire.

- Bébé… je suis sûre que ce n’était qu’un vilain rêve… Car si ce que tu as vu… C’est l’avenir, il faut vite finir la Tour de Guet…

Mes ailes se referment dans mon dos pour disparaître, je me blottis contre lui et je dépose un baiser sur ses lèvres.

- Je ne mourrais pas… Je te le promets… Nous resterons en vie, quoiqu’il arrive… là l’un pour l’autre… Toujours… Et… Moi aussi je t’aime…

A ces mots je prends son visage dans mes mains et je l’embrasse plus fougueusement et passionnément. Que je l’aime mon sorcier… Plus que tout… Jamais je ne pourrais imaginer lui faire du mal.

- Allons-nous rallonger… Toi comme moi on a besoin de repos.

Je l’aide à avancer vers le lit et je l’aide à se recoucher, il ne me faut pas longtemps pour m’allonger près de lui et me blottir contre lui, ma main sur son torse.

- Par contre blondinet, ce coup-ci, si tu dois te lever, tu me réveilles, ce n’était pas une bonne surprise tout à l’heure…

Alors qu’il réaffirme sa prise sur moi, je sens son corps commencer à trembler de peur. J’entends ce qu’il dit mais mon cerveau carbure. Un être qui détruit tout, l’Apocalypse. Suffisamment balèze pour faire flipper à mort John.

Je l’écoute, il me dit que je vais mourir, que tous vont mourir, le seul absent, Kal. Etrange, moi en danger il ne serait jamais très loin. Ses tremblements s’intensifient il est terrorisé. Il parle de sa colère contre le monde qui ne nous laisse pas tranquille, qu’il voudrait tant qu’on puisse vivre une vie normale, une retraite méritée. Je le comprends mais d’un autre côté on a accepté le deal il y a tellement longtemps. Je lève les yeux vers lui, son courage a foutu le camp, tout n’est plus qu’instinct de survie et peur. Il veut tout laisser, tout abandonner, il veut qu’on s’enfuît très loin, que personne n'a besoin de nous, que ce n’est pas obligé que ce soit notre combat ; Je le regarde avec de grands yeux, je ne le reconnais pas. Est-ce lui, ce couard, le vrai John Constantine ?

Il reprend son plaidoyer en me demandant de devenir une nana normale, d’épouser un homme normal, de vivre loin de tout ça. Qu’il protègera le monde à ma place. Mais je ne veux pas de cette vie moi !

Je soupire.

- Parce que tu crois qu’en fuyant, en partant… Notre vie si dangereuse, ne nous rattrapera pas ? Tu crois que même en passant notre vie à courir, à s’enfuir, tôt ou tard, ce que tu as vu ne se réalisera pas ?

Je caresse ses cheveux en redescendant sur sa joue.

- T’es-tu demandé un seul instant bébé… Si ce que tu souhaites pour moi, c’est ce que je veux vraiment ? Fuir ? Une autre existence normale avec quelqu’un que jamais je ne saurai aimer ? T’es-tu demandé si tout plaquer et trembler de peur toute ma vie, me cacher, m’enfuir avec une cible dans le dos c’est ce que je veux ?

Je colle mon front contre le sien.

- As-tu pensé que ce que tu as vu, ça pouvait être Talia qui te l’a montré ? Des résurgences des griffes qu’elle a sur toi, du pouvoir qu’elle a eu plus tôt ?

Je plante mon regard dans le sien.

- Et même si ce que tu as vu… Est réel, et c’est ce qu’il va arriver… Crois-tu que je pourrais abandonner mes amis, ma famille, ce monde qui a tant besoin de protecteurs à son triste sort ?

Je fais non de la tête.

- Bébé… Je ne peux pas te suivre dans ce délire, je ne peux pas tout plaquer… je comprends que tu ne veuilles que me protéger, mais fuir et me terrer ne sera pas me protéger. Je n’ai jamais fui, et Dieu sait qu’on en a eu des dangers. Que tu as eu des adversaires encore plus puissants que ce que je pourrais imaginer alors si… Si cet ennemi existe, et qu’il arrive… Notre devoir c’est de tout faire pour qu’il soit vaincu, et changer les événements…

Je lui souris tendrement.

- Si tu as si peur que ça, pars, mais ce sera sans moi… Tu ne peux pas me forcer, j’ai choisi ma vie, j’ai choisi de combattre le mal et de protéger le Monde, comme ma mère avant moi. Comme Mon grand-père et d’autres avant moi… Mais le plus important, si on veut vaincre, c’est qu’on reste unis, et surtout ne jamais perdre espoir.

Je dépose un baiser mielleux et tendre sur ses lèvres.

- Je t’aime… Je comprends ce que tu ressens, mais ce n’est pas en fuyant ou en se cachant ou en abandonnant tout ce pourquoi on s’est battus qu’on conjurera le Mal. J’ai assez d’espoir et de détermination pour nous deux. Si tu ne peux plus croire en l’avenir et en notre victoire mon amour… Alors commence par croire en moi et en mon espoir, en notre avenir… qui est indissociable de nous bébé...