- D’accord.

J’ai dit d’accord mais sans vraiment y croire, même dans ses bras, j’ai peur. Je sens le piège, je sens les ennuis. J’ai un mauvais pressentiment, mais très mauvais. Je ressers mon étreinte un peu plus, mais même cela ne parvient pas à soulager cette impression de malaise.

Il finit par me laisser devant une porte entrouverte. Quand je ne ressens plus son contact, j’halète, je me plaque contre le mur, il y a quelque chose qui ne me plait pas, mais alors pas du tout. Mais je ne sais pas quoi. Enfin j’entends sa voix. Je me faufile à ses côtés et je vois la pièce avec un L dessus. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

- Il faut s’en aller Kal, je le…

Il n’y a plus le cliquetis… J’ai juste le temps d’esquiver et d’hurler que le câble électrifié se dirige sur Kal. Je l’entends hurler. J’utilise une lame du vent pour couper le câble raccourci et désormais sans danger. Des câbles de métal sortent de nulle part et se saisissent de moi.

- Je te l’avais dit que je ne le sentais pas !!!

Un petit mouvement de doigts et les lames coupent les câbles au fur et à mesure qu’ils attaquent.

- Lex a dû se douter qu’on allait venir, il a piégé le coin !

J’entends un brouhaha démentiel venant d’une des parois alors que je rejoins Kal pour m’assurer qu’il va aussi bien que possible et utiliser un pouvoir solaire pour le soigner. La paroi explose. Un robot similaire à celui en morceaux dans la pièce d’avant.

- Oh… ça ce n’est pas du jeu…

C’est ce robot qui est doté de câbles qui se sont emparés de moi tout à l’heure. Je grogne. Bon sang, mon instinct, je t’écoute la prochaine fois !

Mais les événements ne vont pas s’arrêter là. Derrière la créature, prisonniers de câbles, une silhouette noire masquée et encapée, inconsciente, avec un casque d’astronaute fissuré. Je pose mes mains sur mes lèvres avec une expression d’horreur.

- PAPA !

Je pousse un cri en l’appelant. Mes mains se crispent et deviennent poings. Mon aura crépite de colère.

- Kal, il te reste encore un cristal comme pour moi ? Le casque de Batman, il est fissuré, ça va finir par le tuer !

J’esquive les câbles, il est rapide l’enfoiré. Je bouge, je me retrouve dans le mur, j’ai mal. Mais je me redresse, je dois libérer mon père avant que son casque tombe en miettes ! Je regarde en l’air, des câbles crépitent d’électricité. Risqué mais faisable. Mais il y a un problème, le robot anticipe et commence à électrocuter son prisonnier.

- NOOOOON PAPA !

Je respire lourdement, la panique me fait manquer d’oxygène… Mon aura crépite plus fort.

- FORA ! Les conséquences du temps !

Le robot me regarde et tente une attaque, mais une vague de rouilles le bloque progressivement de ses mouvements avant de le paralyser entièrement. Je m’écroule.

- Kal ! Vas le chercher vite, il faut partir d’ici !

- DONNES LE LUI ! JE ME DEBROUILLERAI !

Je n’ai pas le temps de réagir, le monstre de métal commence à sortir de la rouille. Je me sens attrapée et tiré vers l’arrière. Quand je lève les yeux, il s’agit de Kal qui nous exfiltre de la station avec le robot géant aux fesses. Je cramponne la cape de mon père comme pour me rassurer. On arrive en quelques secondes dans la partie respirable de la Lune. Il nous dépose au sol et il repart aussi sec. Je n’ai pas le temps de dire quoique ce soit. Je m’agenouille et je pose ma main à quelques millimètres du casque, il se dissipe, puis, je les déplace près de ses lèvres, plus rien. Mon cœur se fige. Je pose mon oreille sur sa poitrine, je n’entends qu’un battement puis le silence.

- NON !!! PAPA !

Je retire son masque doucement et je bascule sa tête légèrement en arrière. Je commence le massage cardiaque et le bouche à bouche, sans arrêt, sans m’arrêter. Les événements passés me reviennent, mon arrivée, ma première rencontre, le vieux monsieur qui me regardait à peine et qui se moquait bien de ce qu’il pouvait m’arriver. La première alerte cardiaque, mais il ne s’arrête pas de bosser d’arrache-pied, la seconde qui l’a cloué dans un lit, ce qui a failli être pour de bon. L’épreuve de la Source du Nain, mon retour, son rajeunissement forcé, sa réaction et enfin le rapprochement, la complicité.

- Papa ! Je t’en prie ! ne me laisse pas ! on s’est trop battu pour que tu lâches l’affaire maintenant ! allez !

Et soudain, je me rappelle, je touche la sacoche que j’ai à la taille et qui a tenu toutes les épreuves passées depuis que je suis là. J’en sors une seringue d’adrénaline et je la plante dans le cœur. J’attends quelques millièmes de secondes, avant de taper un grand coup électrique à l’emplacement du cœur pour forcer l’adrénaline à circuler, puis un second… Avant que je reprenne le massage cardiaque.

-PAPA !

Sur le coup du stress. Un portail s’ouvre immédiatement. Je regarde mes mains. C… Comment j’ai réussi ça moi ? Je n’ai eu qu’à… Y penser ! Ce n’était jamais arrivé. J’ignore où le portail va nous mener. Je me lève, je laisse Kal prendre en charge Bruce et je fonce dans le portail. On aboutit… OH ! Dans la forteresse de Solitude. Eh ben ! L’endroit rêvé pour qu’il s’en sorte. Je sens la présence d’Eradicator dans mon dos en hauteur, il ne bouge pas. Le portail se referme juste après le passage de Bruce et de Kal.

- Il faut le placer dans un caisson, vite !

J’en ouvre un, à force de les utiliser, on finit par avoir un certain savoir-faire et une certaine dextérité. Une fois à l’intérieur, je le referme et je mets le plus haut niveau de survie dont le caisson est capable. Je n’ai pas remarqué, mais je suis en nage, et mon corps entier tremble. Je suis au bord de la crise de nerfs. Une fois que les témoins sont au vert, je m’écroule et je pleure. A chaudes larmes. J’ai trop eu peur. Trop de tension, trop de peine, trop de frayeurs, je sais qu’ici je peux lâcher la pression d’un coup sans que Kal ou Eradicator me jugent.

Il me faut plusieurs longues secondes pour que je sente la présence d’Eradicator à côté de moi. Comment se fait-il que, je ne l’aie pas senti s’approcher. Je le regarde, les yeux noyés de larmes. Il veut m’aider, mais ça se voit il ne sait pas quoi faire, alors il reste à côté de moi en me regardant, ce qui semble un regard triste et compatissant. Je finis par me redresser et avancer vers Kal. Je finis par fondre dans ses bras en sanglotant doucement.

- Il… Il va s’en tirer Kal… Hein ? Je ne veux pas le perdre… j’ai mis trop d’espoir pour qu’il reste en vie… Ça me serait insupportable…

Comme toujours, le contact de son aura, de son corps, a un effet apaisant au même titre que John. Je reprends mon calme, les sanglots s’arrêtent. Je renifle et je sèche mes larmes. Je pense à John. J'aurai tellement besoin qu'il me remonte le moral en cet instant... Je pense aussi à Terry qui va être catastrophé si ça monte à ses oreilles.

- Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?

Une heure, une heure à attendre qu’il ouvre ses jolis yeux. Ok, le diagnostic est rassurant, les écrans ne sont pas en affolement général. Il y a de l’espoir tout ira bien. Je reste collée dans son dos comme un koala qui se cramponne, je ne veux pas le quitter, je crains le froid et de la solitude à cet instant. Me reposer, je ne peux pas, mes yeux sont grands ouverts et impossible de me calmer avec la tension que j’ai dans tout mon corps.

- On devrait détruire la base de la lune… L’ancienne… Elle est trop dangereuse et je crains que Luthor ait déjà tout récupéré de ce qu’il pouvait en être extrait. Il a dû laisser que des pièges se doutant que nous essayerions d’y aller… Si on la laisse, le risque de sécurité est trop important.

Je reste contre lui mais sans le gêner dans ses mouvements. Je réfléchis.

- Je pense qu’une base sur la lune est trop risquée. Je pense qu’on devrait la faire, flottant dans l’espace mais dissimulée par la face cachée de la lune.

Je tilte sur quelque chose, son pouls est rapide, quelque chose le trouble. Moi ? Il a l’air mal à l’aise, il semble chercher à s’occuper l’esprit. Que faire ? Je m’écarte quelques instants et je fais apparaître une grande thermos de café qui attendra le réveil de Bruce. J’ai beau m’être écartée complètement de Kal, il est toujours mal à l’aise. Mais pourquoi ? Notre lien a été clairement défini il y a longtemps, mais sentir mon émoi et ma détresse a dû ramener des sentiments enfouis. Ou qu’en vérité, il ne les a jamais enterrés mais gardé comme un trésor, ce qui expliquerait le malaise que je ressens. Je souris doucement, il a besoin de les avoir, pour ne pas replonger dans une solitude totale, il en a besoin pour ne pas recommencer à perdre le contrôle de cette colère qui le hante et qui a transformé le Béhémoth en tas fumant de métal fondu.

C’est un boum ! Qui me sort de ma rêverie, je me retourne et je vois un passage s’ouvrir. John en sort, clope au bec. Eradicator fond sur lui avec un orbe électrique. Dans un courant d’air, je m’impose devant. Je pare l’orbe de foudre avec un bouclier invisible.

- Stop ! Eradicator ! Scanne-le, John Constantine ! On est ensemble ! Tu te rappelles ?

Il se retire. Je souffle. Le passage s’est refermé, je me retourne.

- Désolée mon cœur… C’est… Le gardien de l’endroit… Que j’suis contente de te voir !

Je me blottis contre lui en le serrant dans mes bras. L’intervention de Constantine a selon moi évité que le malaise ne devienne plus pressant et qu’on finisse par commettre une erreur. Dans les bras de John, je finis par perdre la force de mes jambes et de m’affaisser tout doucement tout contre lui.

- Bébé… C’est Bruce il est arrivé quelque chose de terrible…